Elea avait vraiment la poisse au boulot ces temps-ci, entre le départ de son père pour les Etats-Unis il y a de cela quelques semaines, elle avait du travail à en revendre et devait s’occuper de tout toutes seules et même de choses qu’il avait laissé en la plantant seule ici. Les dossiers s’accumulaient et elle restait de plus en plus tard au travail le soir, ce qui venait même à lui gâcher les soirées avec Keith quand celui-ci les avaient libres. Elle n’était vraiment pas aidée avec les commerciaux terrains parfois. Dire que les clients et fournisseurs préféraient négocier avec elle, et qu’elle se trouvait alors seule pour gérer cette foutue entreprise. Cette entreprise qui ne représentait plus rien à ses yeux, mais qui n’était que le bijou de son père. Paternel parti du jour au lendemain en lui laissant pour ultime mot et demande : « Occupe-toi bien de la boite ma fille, je pars nous ouvrir de nouveaux marchés à l’international, je te tiens au courant. Papa. » Et depuis ce jour, plus rien. Elle n’avait eu aucune nouvelle, et cela l’agaçait aux plus au point. Surtout qu’elle venait d’apprendre qu’il avait omis de lui dire pour Jack Fletcher un grand client, et que par sa faute et celle de secrétaire moins douée que les autres, elle avait raté l’un des plus gros accords et des plus grosses ventes. Sans celle-ci, faire le chiffre ce mois-ci serait plus que difficile, si elle était la seule à mettre la main à la patte et elle le savait. Dégoutée d’avoir perdu cette vente, elle n’avait pas eu la foi de rentrer chez elle, sachant que Keith travaillait et c’était alors rendue au ranch, l’un des seuls endroits où elle retrouvait le moral lors de ses coups bas.

Prenant la voiture, elle se rendit rapidement sur les lieux. La jolie brune se gara, et se rendit le visage fermé et peiné dans les écuries où se trouvait sa jument Zephira et son cheval d’amour Wildfire. Elle pénétra alors dans le box réservé à ses chevaux et les salua avec une voix douce et un « câlin ». Elle aimait leur présence à la fois réconfortante et paisible. Ils étaient doux, et de très bons confidents. Elle avait créé une drôle de relation avec eux, quelque chose les liés si fortement, qu’elle savait qu’ils se comprenaient. C’était étrange comme sensation, pourtant c’était véridique, et tous les jockeys et dresseurs de ce monde, savaient qu’entre Wildfire et Elea il y avait une histoire d’amour pas comme les autres. Assise sur une botte de foin dans le box de Wildfire et Zephira, elle envoya un message à sa grande amie et confidente Esther. Elles devaient se voir un peu plus tard dans la soirée, mais elle n’avait pas le cœur à sortir et ne voulait pas qu’elle pense qu’elle venait de lui poser un lapin. Ce message fut bref , clair et aussi délicat que possible : « Hey ma douce, je suis désolée pour ce soir, mais je n’ai pas la tête à m’amuser aujourd’hui. Je suis au ranch si tu veux passer. Tu me manques. Je t’adore ma belle. Ta brune. » Elle rangea alors son portable, et sortit ses chevaux un instant sur le grand terrain.

Elle les laissait trotter et les regardait en silence. Elle était en parfaite harmonie avec eux. D’ici quelques jours, elle aurait à préparer sa belle jument pour un concours de dressage, mais elle ne désirait pas se mettre la pression, ni à elle, ni à Zephira, car elle voulait prendre plaisir à le faire, autant que sa jument. Ça avait toujours était son mot d’ordre quand elle montait et ce depuis le premier jour qu’elle les avait : prendre plaisir et le faire plaisir. Gagner n’importait que très peu, même si grâce à cela, elle économisait et pourrait un jour monter son centre équestre, mais ce n’était pas ce qui la motivait le plus. Ce qui la motivait était de vivre sa passion le plus pleinement possible. Soudain son regard se perdit vers la voiture qui arriva et fit hennir Zephira. C’était sûrement Esther. Un sourire s’afficha et Elea sauta la barrière pour rejoindre sa grande amie.

Ce matin, Esther s’était vue, comme prévu, confier la mission de faire visiter l’île Waiheke à une douzaine de touristes français. La France faisait un peu rêver Esther, surtout depuis qu’elle avait vu le dernier film de Woody Allen, petite merveille du septième art qui ne montrait certes que les beaux côtés de Paris, mais d’une façon totalement magique. Située à environ trente minutes en bateau de la ville, l’île est un endroit souvent brigué par les touristes. La jeune Doyle fit son possible encore une fois pour renseigner les Français, peu communicatifs et réservés la plupart du temps, mais aussi pour les divertir. Après tout, un guide égayant est plus agréable qu’un guide endormant ou insipide, et personne n’irait s’en plaindre. Les heures étaient passées relativement vite, Esther s’était nourri du regard enchanté des touristes toute la matinée. Ils prirent le bateau en direction d’Auckland vers trois heures de l’après-midi. C’est en route qu’elle reçut un texto de son amie Eléa. « Hey ma douce, je suis désolée pour ce soir, mais je n’ai pas la tête à m’amuser aujourd’hui. Je suis au ranch si tu veux passer. Tu me manques. Je t’adore ma belle. Ta brune. » Esther sourit vaguement. Qu’avait-il bien pu se passer pour qu’elle n’ait pas le moral ? La blondinette espéra fort que ce ne soit pas en rapport avec Keith. Non c’était impossible, ils formaient une si belle osmose en ce moment. Mais qui sait, tout peut toujours vite changer, dans les couples, Esther le savait bien. Elle allait répondre lorsque la cloche du bateau retentit : ils étaient arrivés. « Tout le monde descend ! » cria le monsieur à l’accent américain qui pilotait la navette. Esther avait eu l’occasion de lui parler plusieurs fois, depuis le temps. Peter était un amoureux de la mer qui s’était exilé en Océanie afin de rechercher une tranquillité perdue. Son nouveau business comme il l’appelait lui permettait de vivre, de voir du monde, et d’être sur l’eau. Que demande le peuple ? La jeune femme se retrouvait souvent attendrie par ses paroles. La vie semblait si simple ainsi.

Après avoir quitté son groupe de Français qui la salua à l’aide de nombreux signes de main, Esther se hâta pour rejoindre sa voiture, une Mini cabriolet grise. Elle s’installa face au volant, alluma la radio et démarra sans attendre, son chapeau de paille toujours sur la tête. Direction le ranch, frôlant, oscillant de part et d’autre de la vitesse autorisée. Esther n’était pas du genre à ne pas respecter les lois, mais les limitations de vitesse, parfois... enfin. Un quart d’heure lui suffit pour arriver à destination. La voiture fit son entrée dans le ranch, et roula une bonne minute, le temps de voir Eléa, assise sur la barrière en bois qui entourait l’enclos. La jument prévint la brunette de l’arrivée d’Esther. Cette dernière sortit de sa voiture et recueillit son amie dans ses bras avant de lui faire la bise. « Bonjour ma jolie ! » dit-elle en français, presque par automatisme. C’était surtout pour faire sourire Eléa. Elles avancèrent ensemble vers la barrière. Les deux chevaux les regardaient, tandis qu’Esther se tournait vers la Eléa. « C’est toujours si agréable de venir ici... » Elle respira un bon bol d’air en souriant. « Comment tu vas ? Ton sms m’a inquiétée tu sais ? Toi qui a toujours la patate ! » Dit Esther en grimpant sur la barrière, aux côtés d’Eléa. « Rassure-moi, ce n’est pas Keith ! » Demandai-t-elle, tout de même. Elle voulait être certaine. Pendant ce temps, elle posait sa main sur la tête de Zephira, venue lui dire bonjour.