Cela fait bientôt une semaine que je suis passée par le lit de Daniel. Et exactement cinq jours que je l’ai avoué à Maya. Cinq jours qu’elle me hait profondément. Et sa manière de me le montrer est sans équivoque. Ma meilleure amie, en tout cas avant que je ne couche avec celui qu’elle aime - accessoirement son frère jumeau - m’ignore complètement, refuse presque de me parler. Les rares coups d’oeil qu’elle jette dans ma direction sont furtifs et peu amicaux. Je ne peux malheureusement pas l’éviter étant donné que nous vivons ensemble, en colocation. Elle a ses raisons de me détester, je la comprend. Moi-même, je ne comprends toujours pas cette façon que j’ai eu de ne pas réfléchir aux conséquences en couchant avec Dan. Bien sûr, je le savais, qu’elle était amoureuse de lui. Je l’ai toujours su, depuis le début. C’est quelque chose qui ne passe pas inaperçu quand la personne concernée est votre meilleure amie. Je le savais et pourtant, j’ai commis l’impardonnable. Mais qu’est-ce qui m’était passé par la tête, ce soir-là ? J’étais en compagnie de Standford et de nos deux verres maintes fois remplis, comme souvent. Nous parlions de tout et de rien, comme c’est si agréable et aisé de le faire avec lui. Et, allez savoir le pourquoi du comment, nous avons dérapé. J’ai compris que c’était le mot de la situation. A ma manière, j’ai trompé ma meilleure amie, je l’ai trahie. C’était bien la dernière chose que j’aurais jamais souhaité, mais pourtant, j’ai eu envie de Daniel ce soir-là. Je ne me suis mise aucune barrière. L’alcool m’a probablement propulsée, bien que je ne sois aucunement excusable. Je n’ai pas l’habitude d’être injuste. Je n’ai pas été la seule à déconner ce soir-là, mais je n’ai certainement pas besoin de connaître les pensées de Daniel pour savoir que j’ai été trop loin, et lui aussi. Le regrette-t-il lui aussi ? Sûrement. Je ne ressens pas de sentiment amoureux pour lui, et il me semble évident que ça a toujours été réciproque, alors vraiment, nous avons terriblement merdé.

Je m’en veux comme jamais je m’en suis voulu envers elle. La situation n’est déjà pas évidente pour elle en ce moment, avec cette horrible - aussi belle pourrait-elle être - découverte de fraternité insoupçonnée. Qui aurait pu se douter qu’ils étaient frère et soeur ? Nés de la même mère et séparés à la naissance... Ca me donne des frissons. Mais s’il n’y avait pas eu cette histoire d’amour dorénavant interdite, tout aurait pu être plus simple pour eux. Je donnerais beaucoup pour ne pas être à la place de Maya. Et elle me manque, tellement que c’en est pesant, quotidiennement. J’aimerais être celle qui puisse l’aider à surmonter ça et pourtant, j’ai tout fait empirer. Quelle garce j’ai fait. Je sais qu’il va lui falloir du temps pour me pardonner. Mais ça compte plus que tout. Je veux la retrouver, elle et notre complicité.

Voilà quoi je pensais, à moitié affalée sur mon sofa, dans ma chambre. Depuis une heure, mes yeux suivaient chaque ligne de mon livre du regard. Je serais incapable d’en faire un résumé, tellement mes pensées étaient occupées par autre chose. Je pouvais entendre la musique de la chambre d’à côté. Que pouvait-elle faire ? D’ordinaire, il m’arrive fréquemment de rentrer dans sa chambre sans prendre le temps d’attendre de longues secondes derrière la porte. D’ailleurs, le plus souvent, sa porte est déjà ouverte, comme la mienne. Sauf depuis plusieurs jours, évidemment. Maya est enfermée. Esther, tu peux encore une fois tenter ta chance. Peut-être acceptera-t-elle d’ouvrir, cette fois-ci ? Décidée, je fermai mon livre et me levai en direction de sa chambre. Derrière sa porte, je frappai à sa porte. Trois ou quatre coups plutôt forts. Malgré la musique, elle devait les entendre.

« Maya, ouvre, s’il-te-plait... » finis-je par dire, avec une petite voix, tandis que le volume de la musique s’était réduit.